Vous pouvez laisser un commentaire -ICI-

Publié le 13/02/2012

Pierre Francois par Dominique François





Pierre François est né le 5 janvier 1907 à Lyon dans une famille protestante.
Son père, Charles François, occupait un poste de responsabilités à la Compagnie du Gaz de Lyon. Il était de forte rigueur morale.
Avec son épouse, Hélène née Van Dam, française d’origine allemande, ils faisaient partie d’un cercle d’amis dont Edmond Goblot, le célèbre philosophe, et sa famille, Henri Focillon, non moins célèbre critique d’art, et d’autres personnalités dreyfusardes.
Ils se réunissaient régulièrement pour faire du théâtre et de la musique. Pierre était le plus jeune de quatre enfants, deux filles et son frère Louis, indéfectible compagnon de jeux.

Pierre François fit de brillantes études secondaires, tout en se consacrant avec passion aux activités scoutes, comme son frère. Les EDF connaissaient, après la guerre, une révision salutaire, et les deux frères vécurent, dans les collines des environs de Lyon, un scoutisme authentique et rude. Pierre François conservait un grand souvenir de son chef de troupe, dont j’ai malheureusement oublié le nom. Apparemment, il conseillait à ses éclaireurs de récupérer des forces en buvant du vin, ce que refusait obstinément de faire Pierre François, qui, en réaction, s’était inscrit à la Croix Bleue. Les vacances étaient consacrées à des randonnées en montagne, en particulier sur des arêtes alpines. Il était un marcheur contemplatif et infatigable. Il en fit notamment la démonstration au cours d’un Cappy itinérant en Corse, où, le soir d’une harassante journée, il repartit seul récupérer un attardé perdu dans la montagne. Il fut d’ailleurs totémisé « Joyeux Bouquetin ».

Pierre François avait la passion du dessin et de la peinture. Il était fasciné par Rodin et par Cézanne. Son ambition était de faire les Beaux Arts. Son père s’opposa à ce projet. Pierre François décida alors de préparer « l’Agro ». En 1924, il lui fallut partir pour le Lycée Henri IV à Paris. Il le fit, avec une recommandation pour Vieux Castor (André Lefebvre), qui était Commissaire national des EDF et animait, avec Mère Louve (Marthe) Levasseur, la Maison pour Tous de la rue Mouffetard,. Ainsi, Pierre François, trouva-t-il une famille d’accueil dans la capitale, alors que les études qu’il avait entreprises ne l’enthousiasmaient guère. Il fut néanmoins reçu à l’Agro et, en 1928, n’en sortit pas dans les premiers. Ce qui l’intéressait alors était la troupe des éclaireurs d’Henri IV, où il rencontra Baloo (Jacques-Olivier) Grandjouan, André Basdevant ; il vivait la Maison pour Tous. Il s’y fit des amis, notamment Bagué (Fernand) Bouteille.C’est également à la Mouff qu’il rencontre Élisabeth Risler, « Loutre », qu’il épousera en 1931.
En 1929, il commence une carrière dans une entreprise agro-alimentaire, mais il est bientôt appelé à l’échelon national par Vieux Castor. À partir de 1931, il y prend ses fonctions, et entreprend de nombreuses tournées dans toute la France pour propager le scoutisme laïque, en particulier auprès des élèves des Écoles Normales et des membres de l’enseignement. Il dirige de nombreux camps-écoles à Cappy et commence à s’intéresser au scoutisme dans les pays colonisés. Il participe, avec André Lefèvre, à la création des CEMEA, Centre d’Entraînement aux Méthodes d’Éducation Active, prolongement des méthodes de formation du scoutisme vers les colonies de vacances.
Mobilisé en 1939 et fait prisonnier en 1940, il parvient à s’évader et rejoint Vichy où son épouse est propriétaire d’un hôtel, le Pavillon Sévigné, qui a été réquisitionné pour y abriter les services… du chef de l’État. Pierre François s’arrange alors pour héberger les bureaux des E.D.F. repliés de Paris, où ils sont interdits, dans une annexe du Pavillon Sévigné au 11bis de la rue de la Tour. Et il en prend la direction comme Commissaire Général ; dans son équipe, il y a, entre autres, René Duphil, René Tulpin, les frères Sainderichen, Baghé Bouteille, Georgy Wetter, Abeille Leonardi, Mion Valoton, Eugène Arnaud. Ils forment, avec leurs familles, une très amicale communauté qui fait ainsi face aux difficultés et aux horreurs de l’époque. Ils abritent des juifs pourchassés. Les François et les Duphil accueillent, dans leur logement au Pavillon Sévigné, une éclaireuse juive qui y vit sous un faux nom. Ils s’y livrent à une intense fabrication de fausses cartes de ravitaillement et d’identité. Il ne manque pas d’encourager les jeunes qui rejoignent les maquis et la Résistance. Pierre Déjean, commissaire national pour la zone occupée, y est chargé de maintenir des activités clandestines ; membre d’un mouvement de Résistance, il est arrêté, torturé et déporté à Mauthausen dont il ne reviendra pas. Louis François, universitaire et frère de Pierre, est également déporté, à Dora.

Après la Libération les E.D.F. retrouvent Paris et commencent, sous l’impulsion de Pierre François, Jean Estève et Pierre Buisson, une profonde évolution des principes d’animation du Mouvement dans le sens d’un approfondissement de la démocratie et de la formation à la citoyenneté. Pierre François, qui a réfléchi depuis plusieurs années à l’ouverture du scoutisme laïque, participe à la création des Francs et Franches Camarades (aujourd’hui les « Francas ») dont il sera le premier président. Il s’intéresse également à l’évolution du scoutisme dans les pays d’outre-mer et participe à la réflexion qui conduit progressivement à la création de mouvements scouts autonomes. Il préside la Commission jeunesse du Ministère de l’Éducation Nationale et le Comité Jeunesse de la Commission nationale française de l’UNESCO.

En 1951, Pierre François prend sa retraite des E.D.F. et entre à l’UNESCO comme chef de la section Jeunesse. Avec son frère Louis, il participe au lancement des « Clubs UNESCO » dont le but est de mieux faire connaître les activités culturelles internationales de l’institution dans les établissements scolaires français. En 1972, il prend la direction du Foyer international d’accueil de Paris (le « FIAP ») et en fait un lieu d’activités culturelles accueillant peintres et musiciens.

Son attachement au service du scoutisme laïque ne s’arrête pas là : dans les années 70, le Mouvement, devenu les Éclaireuses et Éclaireurs de France, connaît une période de crise et le Comité Directeur fait appel à lui comme président : fidèle à son idéal de démocratie, il propose une grande « consultation » de l’ensemble des membres, et des « Assises » pour redéfinir les bases d’un Mouvement rénové. Ce sont ses valeurs et ses principes, nés d’une expérience continue et d’un attachement sans faille, qui ont aidé à la définition d’un  scoutisme laïque qui fêtera en 2011 son premier centenaire.